Depuis longtemps un
curieux pigeon jaune s'était installé dans le vieux mur de la haute tour
de l'église et, de là-haut, il regardait vivre le petit village tout en
bas.
 |
Dès l'aube, il
observait les maisons qui
faisaient la ronde autour de l'église, les volets qui claquaient
et les cheminées qui se mettaient à fumer, l'école qui ouvrait
ses portes sur sa cour encore déserte... |
Tout prêt, un chien
affamé
après une nuit passée à aboyer au moindre bruit commençait à gesticuler
en reniflant les odeurs chaudes du matin qui s'évaporaient par les fenêtres.
Puis arrivait en trombe la voiture du boulanger. Celui-ci s'affairait à
garnir de marchandises odorantes les rayons de son dépôt de pain et de
viennoiseries avant le lever des villageois, et bien qu'ils fasse encore
sombre, Janus le pigeon jaune devinait au glissement des tiroirs que des
paniers entiers se remplissaient.
Alors commençait,
comme une procession, le va et vient des ombres encapuchonnées allant
chercher le petit déjeuner.
Chaque matin notre pigeon jaune n'hésitait pas alors à s'approcher du
monde des humains pour piquer vigoureusement de son bec gourmand les miettes
de croûtes chaudes et croustillantes lancées à la volée par son ami,
l'homme aux vêtements couleur du pain.
Une à une les lumières de la place s'éteignaient, le soleil pointait
à travers la brume, faisant briller les gouttelettes de rosée et comme par
vague, par petits groupes les habitants cheminaient tels des taches colorées
à travers les rues.Un jour, le pigeon jaune perdit son bienfaiteur, plus de
miettes le matin, plus de lancer de graines...
Finies les gâteries. 
Triste et désemparé, comme il était encore jeune il partit donc visiter
le monde rien que pour voir comment cela se passerait ailleurs. Mais après
avoir beaucoup volé et visité des villes et des villages, le pigeon revint
dans son trou.
Il ramena de son long voyage une petite
pigeonne toute blanche.
Et maintenant, ils sont deux à regarder
vivre la place, au-dessous de leur logis. Ils sont deux à chercher
quelques graines
à picorer
dans les champs bien cultivés par l'homme qui travaille.

|
Bientôt,
ils auront des petits pigeons
qui se pencheront à leur tour
au bord de leur nid pour regarder vivre le village.
Et puis, un jour, eux
aussi, lassés du train train quotidien, ils prendront leur vol
pour visiter le monde, puis reviendront dans ce petit village, se
nicher tout en haut de la grande tour, bien à l'abri de la fureur
des hommes.
|
|