° Rubrique contes pour enfants : http://www.philagora.org/contes/

• 1 On va bien s'amuser !
• 2 Quelle chevauchée !
• 3 Justinien se rachète.

Les jours suivants chez les Tricotin, Justinien multiplie les efforts pour se faire pardonner par ses parents. Ils sont indulgents, et c'est chose facile. Mais le garçon sait que Monsieur Cravache lui en voudra toujours, et il ne se console pas d'avoir gâché une occasion unique de réaliser son vieux rêve d'apprendre à monter à cheval. Souvent, c'est plus fort que lui, il se poste sur le trajet des promenades pour voir passer son ami Baliverne et ses camarades. Monsieur Cravache l'a-t-il remarqué? Peut-être....
Ce soir, c'est la fête au village, tout le monde est sur la place. Justinien a laissé ses parents y aller sans lui, il n'avait pas envie de s'amuser. Machinalement, il regarde du côté de la ferme. Là-bas, tout est tranquille, tout dort. Une lueur, pourtant, l'intrigue, on dirait qu'une bougie se promène le long des écuries, elle tremblotte sur le mur et sur les vitres, elle s'allonge, elle grandit, elle semble même lécher la paille de la toiture... Mais, mon Dieu! ce n'est pas une bougie! c'est le feu! c'est un incendie! Vite, il faut prévenir! 

Justinien court sur la place où le bal bat son plein. Le garçon prend son courage à deux mains, il fonce vers Monsieur Cravache: "Monsieur! Monsieur!

- Encore toi, sale gamin! Fiche le camp! Je ne veux pas te voir!
- Monsieur! Monsieur, s'il vous plaît! C'est grave! Je crois... qu'il y a le feu, le feu près des chevaux!
- Le feu chez moi? Quelle idée! Tu as vraiment décidé de me faire enrager!"

Malgré lui, il tourne les yeux du côté de sa ferme. C'est pourtant vrai! On dirait qu'un projecteur illumine les bâtiments: 

"Au feu!"!

A ce cri, la musique s'arrête. Le garde champêtre prend la direction des opérations. Tous les hommes s'activent autour de lui. On sort des seaux, on sort la pompe, on raccorde les tuyaux, on crie, on se bouscule. Sur les lieux, le toit commence déjà à s'effondrer. Un court-circuit a dû se produire dans le grenier. Les chevaux, affolés, donnent de grands coups de sabot en hennissant. On ouvre les portes, on lâche des flots d'eau sur les flammes. Au bout d'une demi-heure, le feu commence à s'apaiser. Bientôt, le malheur est conjuré. Mais monsieur Cravache n'a plus envie de danser. Épuisé, il s'endort dehors, comme une masse, auprès de ses bêtes. 
"Où suis-je?", se demande-t-il, le lendemain, en se réveillant au beau milieu de sa cour. Très vite, il se rappelle les émotions de la veille. 
On peut dire que ses chevaux l'ont échappé belle!..
"Et c'est grâce à ce ouistiti, à ce sale gamin mal élevé qui m'avait fichu la pagaïe dans la promenade!... J'avais juré qu'il ne remettrait plus les fesses sur mes canassons, mais je sens bien qu'il va falloir revoir la question..."
Voilà comment l'insupportable Justinien est devenu le plus docile le plus dévoué, le préféré des élèves de Monsieur Cravache. Quant à ses parents, leur première expérience leur a largement suffi.

Texte de Jacqueline Masson ©