Bienvenue les enfants

Joëlle Llapasset   | Copyright

Le Noël des rues ...

Tituan sortait de l’école quand la ville commença à s’enflammer. Policiers et manifestants s’affrontèrent avec violence. Il y eut des cris, des objets de toutes sortes furent jetés depuis les fenêtres. Une voiture flamba, à quelques mètres, presque sous son nez. La vitrine d’un magasin vola en éclats.
Le garçon ressentit un léger picotement dans le cou mais il n’y prêta pas attention. Affolé, il préféra s’éloigner au plus vite, sans chercher à comprendre le pourquoi de cette fureur soudaine. A chacun de ses pas, le cartable tressautait dans son dos.

Quelques minutes plus tard, il se retrouva dans une rue plus tranquille, dans un quartier inconnu mais loin de chez lui. La nuit commençait à tomber.

Tituan s’affala sur un banc pour reprendre sa respiration. Ici, il était en sécurité ! Aucun contestataire, ni même le moindre passant. Seul un homme, près d’un braséro, s’obstinait à crier dans le vide :

- Chauds ! Les marrons chauds !

L’enfant sentit la faim le tenailler. Il se leva avec difficulté et s’approcha du marchand. La tête lui tournait.
- Bonjour petit… Tu veux quelques marrons ? Je te les offre ! dit l’homme, avec un large sourire. Ses dents brillèrent dans l’obscurité.

Tituan accepta avec plaisir car il n’avait pas un sou vaillant en poche. Il tendit la main.
- Attention, reprit l’homme, ce ne sont pas des marrons ordinaires…

Et devant la mine intriguée du garçon, il ajouta :
- On m’appelle Esprit de Noël. Je suis venu pour toi ! Si tu fais un vœu, il sera exaucé.

NOËL ! Mot magique ! Tituan avait failli oublier que, dans deux jours, ce serait le réveillon !

Et tout en mordant avec délice dans le marron, Tituan réfléchissait à son souhait. Et plus il réfléchissait, plus le décor se modifiait autour de lui. Des plumes de neige, voltigèrent. Elles se posèrent sur ses joues, sur son nez. Le sol se recouvrit d’un blanc duvet. Dans le ciel, les étoiles s’allumèrent l’une après l’autre.

Tituan mangeait toujours. Un sapin gigantesque se dressa près de lui, si près qu’il sentit l’enivrant parfum de résine. Il pensa à sa classe de neige de l’année précédente. 
C’était la première fois qu’il partait à la montagne. Un rire silencieux le parcourut, au souvenir des batailles de boules de neige.
Policiers et manifestants apparurent au coin de la rue. Tituan n’en crut pas ses yeux. 
Ils marchaient d’un même pas joyeux, côte à côte et sans haine. Ils s’arrêtèrent au pied du sapin et entonnèrent un chant de noël, à plein poumon. D’autres personnes se joignirent à eux. Tituan connaissait la plupart des visages rassemblés. Il s’aperçut avec étonnement que ses parents et ses frères s’étaient joints à la foule. Son cœur battit un peu plus fort.

Soudain une douleur atroce lui mordit le cou. Les jambes flageolantes, il se laissa glisser sur le sol. Tituan se réveilla à l’hôpital.
Son père le regardait avec tendresse. Sa mère lui prit la main :
- Tu nous as fait peur, mon petit chéri. Heureusement, ta blessure est superficielle. 

Au milieu de cette folie, tu as reçu un éclat de verre. Sans doute un morceau de vitrine. Jamais on n’aurait dû vous laisser sortir de l’école ! Le garçon voulut les détromper. Il n’avait couru aucun danger. Il leur raconta alors sa rencontre avec l’étrange marchand de marrons.

- Ce n’était qu’un rêve ! Assura papa. De tels instants de paix n’existent pas ! Policiers et contestataires se battront encore, crois-moi !

Tituan sentit des larmes de déception mouiller ses yeux. Ainsi sa belle histoire n’était que mensonge !
Il se tourna vers le mur pour cacher sa peine et tira le drap sur sa tête. Tout à coup, il sentit une boule chaude rouler contre lui… C’était un marron !

Il réfléchit une nouvelle fois à son vœu : Quand il sera grand, il forcerait les Hommes à s’aimer ! Et s’il n’y parvenait pas, il ferait en sorte que ces derniers se détestent un peu moins.

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Voici pour les gourmands la Rubrique: Tout chocolat!

= Texte de Jocelyne Marque  institutrice = Page Joëlle Llapasset